Les nouveaux modes, lieux et horaires de travail: quelques risques pour la santé

Update 05/10/2023

La numérisation de l'économie a considérablement modifié la façon dont le travail est organisé en Europe. Non seulement ce changement a entraîné une augmentation du nombre de personnes travaillant hors du bureau et à des heures autres que 9h-17h, mais il a également conduit à de nouvelles formes d’emploi, telles que l'externalisation en ligne et les missions à court terme via une plateforme en ligne (ce que l’on nomme travail flexible via contrats temporaires ou intérimaires).

La numérisation influence divers aspects de la vie professionnelle et peut entraîner une augmentation des facteurs de risque psychosociaux et physiques. Tous deux jouent un rôle important dans la prévalence des troubles musculosquelettiques (TMS) chez les travailleurs.

Dangers psychosociaux

La numérisation est associée à toute une série de facteurs de risques psychosociaux. La possibilité d'effectuer un travail pratiquement n'importe quand et partout où notre appareil numérique le permet peut entraîner une incapacité à se déconnecter du travail et un mauvais équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

On attend des nouvelles technologies telles que l'intelligence artificielle (IA), les TIC, les processus de production intelligents, l'automatisation avancée et les nouvelles pratiques de gouvernance fondées sur des algorithmes qu’elles améliorent la productivité. Cependant, cette recherche d'une plus grande productivité peut entraîner une intensification du travail et une surcharge physique et mentale pour les travailleurs. En effet, certains employeurs pourraient considérer la suggestion de l’algorithme en matière de production maximale des travailleurs comme la norme que ces travailleurs doivent respecter à tout moment. Or, ce calcul ne tient aucunement compte du besoin humain de repos, ni de la réalité d’une santé et d’un niveau d’énergie variables.

Un autre risque psychologique a trait aux nouvelles formes d’emploi. Différentes enquêtes européennes montrent que les formes de travail sans certitudes (comme le travail à temps partiel, le travail temporaire et les contrats "zéro heure") sont toujours plus utilisées, sous l’influence de l’augmentation de la flexibilité sur le marché du travail. Cette incertitude résulte en un stress psychologique pour les travailleurs qui relèvent de ces types de systèmes. Cela peut également affecter d’autres aspects de leur vie, parce qu’il devient par exemple plus compliqué pour eux de contracter un prêt ou un bail.

Dans certains secteurs et professions, comme dans les magasins de commerce électronique, les travailleurs sont censés prélever de l’entrepôt, emballer et livrer des colis sous une forte pression temporelle et sous le contrôle permanent d'applications numériques. Ce manque d’autonomie pour décider soi-même du moment de la pause ou des activités plus calmes à réaliser conduit à un risque accru de TMS. Les livreurs sont aussi souvent exposés à un risque plus élevé de TMS car on attend d’eux qu’ils livrent les colis rapidement, ce qui ne leur laisse pas suffisamment de temps pour réfléchir à la meilleure façon de les soulever. En travaillant sous pression ou en étant payés à la livraison, les travailleurs auront tendance à ignorer les signes de stress physique et d'épuisement.

Dangers physiques

La numérisation de l’économie influence également les facteurs de risques physiques susceptibles de déboucher sur des TMS. L’une des conséquences du télétravail à domicile réside dans le fait que les travailleurs n'ont souvent pas droit à des équipements ergonomiques pour se prémunir chez eux contre les TMS. À cet égard, il existe un risque accru que les travailleurs qui effectuent un travail assis, qui s’accompagne d’un travail principalement visuel (comme sur l’écran d’un tableau de commande), développent des douleurs musculaires chroniques en raison de l’adoption prolongée d'une mauvaise posture statique du haut du corps, du cou et des membres supérieurs. Ajoutons à cela que le travail assis et la diminution des besoins en déplacements réduit la quantité de mouvements journaliers, ce qui augmente le risque de diabète et d’obésité. Cela se traduit également par une augmentation des risques de TMS.

Les personnes travaillant via des plateformes sont en contact avec d'autres organisations ou individus par le biais d'une application ou d'une plateforme en ligne et proposent ainsi des services spécifiques. Nombre de ces plateformes disposent d’une fonction permettant de laisser des avis. Le travail via des plateformes peut conduire à des emplois physiquement exigeants comme dans les domaines de la livraison de nourriture, du nettoyage ou des services mécaniques, où les prestations des travailleurs sont contrôlées en permanence et où ceux-ci travaillent sous une pression constante.

Comment faire pour que la numérisation procure des bénéfices en matière de santé pour les travailleurs?

Bien que les technologies numériques et les nouvelles formes de travail s’accompagnent de nouveaux défis sur les plans de la santé et de la sécurité au travail (SST), elles peuvent malgré tout également aider à réduire le nombre de cas de TMS. On peut par exemple recourir à des robots et exosquelettes pour alléger la charge physique d’une tâche bien déterminée. De plus, le télétravail réduit le temps perdu en déplacements et dans les transports, ce qui peut contribuer à réduire le niveau de stress des travailleurs. Cela bénéficie également aux personnes ayant des problèmes de mobilité (pour des raisons d’âge ou de handicap) ou des responsabilités familiales, qui peuvent ainsi entrer sur le marché du travail.

Afin de garantir la protection de la santé des travailleurs, l'optimisation des effets positifs de la numérisation et l'élimination de ses effets négatifs, il est important de déployer des efforts soutenus pour actualiser les réglementations et politiques en matière de SST aux niveaux européen et national et d'adapter ces réglementations à des effectifs de personnel de plus en plus fragmentés et diversifiés.

Aujourd'hui, dans de nombreux pays, les travailleurs intérimaires ou free-lance ne sont souvent pas couverts par la législation normale sur le travail (par exemple, en matière de salaire minimum, de SST et de temps de travail). Il importe que ces questions soient abordées et ce, d'autant plus qu’en raison de la numérisation de l'économie, davantage de personnes seront occupées dans le cadre de contrats de ce type.

Plus d'infos

(Source: ‘Healthy Workplaces Campaign News’ – Avril 2022: “New ways, places and times of work – what are the health risks for workers?”)